Air France-KLM (FR0000031122-AF) est en quelque sorte confronté à un douloureux retour à la réalité ce lundi. Plutôt bien orienté depuis la publication de résultats du deuxième trimestre honorables au regard du contexte, il retombe dans ses travers et accuse la plus forte baisse du SBF 120 en début d’après-midi (-4,9%, -37,3% depuis le 1er janvier).
« L’édifice reste fragile », écrivais-je dans ces colonnes le 1er août dernier, dans le sillage de l’annonce de comptes trimestriels marqués par un recul du bénéfice d’exploitation (Ebit) beaucoup moins prononcé qu’attendu. Je gardais en effet à l’esprit un newsflow peu engageant, avec des incertitudes quant au profil de la nouvelle direction et la persistance des revendications salariales, incertitudes qui dans mon esprit prévalent encore sur des ratios toujours attractifs (PER et VE/Ebit de 7).
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Intrinsèquement liée auxdites revendications, la menace de nouvelles grèves n’était pas jugulée et elle est plus que jamais redevenue d’actualité depuis hier et la terrible promesse de Philippe Evain, président du puissant Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), le principal syndicat des pilotes. Preuve d’une détermination que d’aucuns jugent profondément déplacée, voire suicidaire, ce dernier a évoqué l’hypothèse d’un arrêt de travail de quinze jours si la future direction devait refuser de reprendre les négociations sur les salaires.
Après avoir eu la peau de Jean-Marc Janaillac, qui a dû démissionner après le rejet de propositions jugées insuffisantes au terme d’un scrutin dramatique, Philippe Evain et ses affidés mettent donc d’emblée la pression sur le nouveau management, alors même qu’Air France-KLM est toujours dans l’attente de la désignation d’un nouveau patron par le conseil d’administration !
Benjamin Smith, un nom qui ne fait pas l’unanimité
Le nom de Benjamin Smith, actuel numéro deux d’Air Canada, est revenu avec insistance ces jours-ci, mais cette perspective n’enchante guère le susnommé Philippe Evain. « Nous pensons qu’il faut un dirigeant connaissant les spécificités du dialogue social français, qui maîtrise les détails du marché aérien européen et les forces en présence […]. Avec cette nomination, nous sommes en train de faire plaisir aux Américains (Delta Airlines détient une participation de 8,8% au capital d’Air France-KLM) et aux Chinois (ndlr : China Eastern détient également 8,8% du capital du transporteur franco-néerlandais). Et je ne suis pas sûr que ça soit dans l’intérêt d’Air France et des passagers français », estime le dirigeant.
Les états de service de Benjamin Smith sont pourtant très respectables, le numéro deux d’Air Canada ayant notamment fait signer à deux syndicats représentant les personnels navigants des accords sur l’organisation de la compagnie et de sa filiale low cost Air Canada Rouge valables sur une durée de dix ans. De là à être de taille pour s’imposer dans le marigot Air France-KLM, théâtre d’affrontements terribles depuis de longues années, avec des directions qui ont fini par plier face à un sectarisme d’une constance peu commune, il y a cependant un grand pas.
En tout état de cause, je n’ai pas changé d’avis depuis douze jours : le prochain PDG, quel qu’il soit et indépendamment de son pedigree, aura fort à faire pour à la fois apaiser les tensions et permettre au groupe de continuer d’exister dans un univers ô combien concurrentiel. D’autant qu’à en croire De Telegraaf, les pilotes de KLM, désireux de voir leur charge de travail allégée, envisageraient eux aussi la possibilité d’une grève…
Air France-KLM a limité la casse au deuxième trimestre, le titre grimpe