Ouvertement envisagé la semaine dernière par son président, le truculent milliardaire Elon Musk, le retrait de la Bourse de Tesla (US88160R1014-TSLA), qui pourrait donner lieu au plus grand LBO de tous les temps, fait actuellement l’objet d’intenses discussions. Désireux de s’affranchir de la surveillance et de la réglementation contraignante de Wall Street, le dirigeant a en effet indiqué hier avoir entamé des négociations à cette fin avec le fonds souverain saoudien (PIF) et d’autres investisseurs dont l’anonymat reste préservé à ce stade.
Pour rappel, Elon Musk avait fait sensation la semaine dernière en rachetant les positions des actionnaires minoritaires à un cours de 420 $ par action, soit un montant astronomique de 71Mds$, avec l’ambition, pour reprendre l’expression de mon confrère Philippe Béchade, de « carboniser les vendeurs à découvert ».
Valorisé un peu plus de 60 Mds$, le fabricant californien de voitures électriques de luxe cote actuellement autour de 356 $, soit un gain de l’ordre de 36 $ depuis le début de l’année. En schématisant, d’aucuns interprèteront cette hausse notable comme un agrément des investisseurs à la stratégie – et aux promesses mirobolantes – d’Elon Musk.
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Un groupe désespérément déficitaire
Les résultats du deuxième trimestre se sont pourtant révélés assez contrastés, avec certes une production de Model 3 légèrement supérieure aux attentes du marché (28 578 unités, contre 28 000 anticipées par les analystes), mais beaucoup moins de livraisons que prévu (40 470 exemplaires, contre 49 000 escomptés par le consensus). Au surplus, le groupe, toujours confronté à des dépenses pharaoniques, reste désespérément et lourdement déficitaire, ayant déploré une perte de 717,5 M$ sur la période, contre une précédente perte de 336,4 M$ au titre du deuxième trimestre de l’exercice 2017.
De quoi s’interroger sur les fondamentaux de Tesla, même si la société a réduit sa perte en rythme séquentiel et que le chiffre d’affaires a bondi de 43% à environ 4 Mds$ au titre de la période avril-juin (le marché visait 3,92 Mds$), et émettre des réserves quant à son objectif d’être rentable au second semestre, d’autant qu’Elon Musk est coutumier des prévisions exagérément optimistes.
Le fondateur de Tesla, toujours lui, s’est récemment illustré en présentant ses excuses pour s’être montré « impoli » avec les analystes, qu’il avait brutalement éconduits en mai dernier. Trois mois plus tard, le ton est plus posé et l’humilité semble davantage de rigueur. Enfin !
Elon Musk, un homme très (trop ?) sûr de lui
Jadis journaliste spécialisé dans le développement durable (c’était avant que les crises des subprimes et de la zone euro rendent la protection de l’environnement plus facultative aux yeux des Occidentaux), je suis Tesla depuis plusieurs années. Pour ne rien vous cacher, j’ai toujours été sceptique concernant cette société, qui par-delà un concept séduisant – la production de voitures à la fois très performantes et non-polluantes – a selon moi le tort de cibler un marché trop confidentiel, en l’occurrence des clients aisés (les modèles Tesla sont loin d’être accessibles à tous) à la sensibilité écologique poussée, deux critères qui tendent à restreindre fortement le « scope ».
De même, j’ai toujours appréhendé la communication d’Elon Musk avec circonspection et les derniers événements pourraient bien me donner raison. Alors que deux financiers qui spéculaient sur un effondrement boursier ont déposé des plaintes après l’envolée du titre consécutivement à l’annonce d’une possible sortie de la cote, une flambée qui leur a fait perdre des millions de dollars et qu’ils jugent artificielle, le milliardaire s’est montré extrêmement sûr de lui concernant les tractations avec PIF.
« J’ai quitté la réunion du 31 juillet sans aucun doute qu’un accord avec le fonds souverain saoudien allait se conclure et que ce n’était qu’une question de procédure », a-t-il ainsi affirmé, évoquant en outre un financement déjà « sécurisé ». Gardons tout de même à l’esprit que les sommes en jeu sont considérables. Au cas où Elon Musk conserverait sa participation de 20%, il faudrait en effet la bagatelle de 50 Mds$ pour finaliser la transaction (peut-être moins, certes, si de grands actionnaires décidaient de ne pas vendre leurs parts).
Un montant qui me donne à penser que l’opération, si tant est qu’elle ait bien lieu, ne sera pas exactement une formalité…