Quatre jours après le crash du Boeing 737 MAX d’Ethiopian Airlines, les experts continuent de ratiociner sur ses causes. Le scénario exact de cette catastrophe reste en effet à déterminer et l’enquête devra notamment faire la lumière sur l’existence ou non d’analogies avec un autre accident, survenu fin octobre et a priori comparable puisqu’ayant affecté un autre Boeing 737 MAX, appartenant celui-ci à la compagnie indonésienne low cost Lion Air.
Pour l’heure, c’est la conception même de cet aéronef destiné à concurrencer l’Airbus A320 NEO (pour « New Engine Option ») qui fait débat. Décidées à appliquer le principe de précaution, et sans doute pas mécontentes de glisser un hérisson dans le slip de l’Oncle Sam, qui ne les a guères ménagées ces derniers mois, les autorités chinoises ont tiré les premières, ordonnant l’immobilisation de tous les Boeing 737 MAX détenus par les compagnies de l’Empire du Milieu.
D’autres pays ont rapidement suivi, dont la France, le Brésil et le Canada. Acculée, l’administration Trump s’est elle aussi résolue à clouer au sol les Boeing 737 MAX américains. Entretemps, des témoignages inquiets de pilotes ont été mis au jour outre-Atlantique, tandis que des dizaines de passagers à la suspicion exacerbée refusaient d’embarquer…
Bref, un climat de psychose règne autour de cet avion flambant neuf, mais dont l’avenir (à tout le moins immédiat) paraît s’inscrire en pointillés. Est-il trop sophistiqué, à l’instar de la première version de l’A320 avant lui ? A-t-il été trop vite lancé, au mépris de considérations sécuritaires élémentaires ? Les pilotes dans leur ensemble ont-ils été suffisamment formés à sa difficile prise en main ? Une chose est sûre : l’ultime version du Boeing 737, l’avion civil le plus vendu de tous les temps, fait peur et certaines compagnies qui lui ont donné sa chance commencent à voir rouge à l’image de Norwegian Airlines, laquelle n’a pas fait mystère de son intention de faire payer la note à Boeing.
Comme mon confrère Mathieu Lebrun l’expliquait ce matin, l’éternel rival Airbus Group profite de cette situation dramatique, sur fond de spéculations quant à des « switches » des compagnies du 737 MAX vers l’A320 NEO précité. Outre l’avionneur américain, dont l’image se trouve écornée, sachant que les accidents d’avion suscitent fréquemment une forme de fascination morbide et portent en eux les germes de la paranoïa, plusieurs sociétaires de la Bourse de Paris pourraient néanmoins finir par accuser le coup dans l’hypothèse vraisemblable où les Boeing 737 MAX devaient être durablement interdits de vol.
Safran, Michelin, Saint-Gobain et Thales sont parties prenantes
Parmi eux, Safran (FR0000073272-SAF), dont l’action a reculé de 1,7% lundi, première séance post-crash, et reste depuis à la peine.
L’équipementier aéronautique a en effet conçu aux côtés de General Electric (US3696041033-GE) les moteurs LEAP-1B qui équipent les Boeing 737 MAX. Il fournit également à cet avion les calculateurs de régulation et de surveillance de cette dernière génération de moteurs. Et ce n’est pas tout : à travers ses branches « Electrical & Power » et « Landing Systems », Safran est directement impliqué dans le câblage, les harnais électriques, les roues et les freins carbone de la dernière version du 737.
Last but not least, les sièges ont été conçus par Safran Seats, ci-devant Zodiac Seats.
De quoi peut-être regretter l’acquisition de Zodiac Aerospace, une opération dont il faut rappeler qu’elle n’avait pas fait l’unanimité – doux euphémisme – auprès des actionnaires de Safran, en tout cas dans ses termes initiaux, et redouter un impact non négligeable sur les comptes 2019, tant sur le plan de l’activité que sur celui de la rentabilité.
A un degré moindre, trois autres grands groupes cotés, à savoir Michelin (FR0000121261-ML), qui fournit les pneus en première monte, Saint-Gobain (FR0000125007-SGO), concepteur de pièces de rechange en plastique thermoformé et composites, et Thales (FR0000121329-HO), initiateur des systèmes de divertissement, sont aussi concernés par les déboires actuels de Boeing (US0970231058-BOEI).
Malmené en Bourse lundi (le titre a clôturé en recul de 3,9%, avant de reprendre 2,4% hier et de s’adjuger 0,6% vers 15h30), Latécoère (FR0000032278-LAT), client de choix des grands constructeurs aéronautiques internationaux, équipe pour sa part les Boeing 737 MAX de systèmes de surveillance, tandis que Lisi (FR0000050353-FII) fournit des fixations via son pôle « Aerospace ».
Pour eux aussi, une incidence sur les résultats et un réajustement baissier des prévisions ne peuvent être exclus tant que les (nombreux) doutes n’auront pas été levés.
On ne badine pas avec la sécurité aérienne…
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