La hausse du CAC40 jusque vers 4.650 points était encourageante, voire aussi réjouissante qu’inattendue à la veille du communiqué final de la FED. L’indice parisien est repassé en deux séances et demie de 4.513 à 4.653 points… mais sans l’appui de volumes (à peine 3 Mds€) signifiant un retour en force des acteurs. Après avoir baissé de 220 points dans le vide, l’indice en reprend 140 sans plus de conviction.
Bon d’accord : je conviens, pour les puristes, que cela fait 4 Mds€ en ajoutant les plateformes de trading alternatives et peut-être 4,4 Mds€ en incluant les dark-pools… Mais cela reste très inférieur à la moyenne estivale. C’est en revanche très proche des volumes enregistrés au printemps dernier, juste avant que la tendance ne se retourne.
Un marché de suiveurs peureux
Mon sentiment reste que l’écrasante majorité des gérants parle beaucoup à la télé, noircit des colonnes pseudo-stratégiques dans la presse financière, mais ne fait rien de concret au jour le jour…
L’explosion des volumes sur les ETF sectoriels et globaux (plus de la moitié des échanges quotidiens) démontre que seule prévaut la réplication indicielle et que les prétendues stratégies discrétionnaires, le stock picking, sont devenues de simples éléments de langage dans la bouche d’une majorité de gérants qui font de la figuration intelligente. Pour le coup, je suis assez fier de ce que nous proposons, aux Publications Agora. Mon collègue et ami Eric Lewin, par exemple, reste farouchement accroché au stock picking sur les mid et small caps, et ça paye. (Ndrl : le portefeuille Mid&Small Caps d’Eric a généré +15% de gains depuis le début de l’année… contre +8,7% pour le CAC40 et +11,58% pour l’indice mid&small. Pour Eric, seul le stock picking rapporte vraiment de l’argent. Si vous voulez suivre ses conseils, c’est ici).
Donc si le marché reste principalement collé aux indices, cela veut dire que ce ne sont que quelques acteurs importants qui font bouger les lignes ; les autres ne sont que des suiveurs qui ont totalement abandonné l’ambition de devancer la vague. La séance de mercredi nous est apparue hautement révélatrice d’une radicalisation de ces forces à l’œuvre depuis avril dernier.
Le score assez flatteur de +1,4%, de l’Euro-Stoxx50, hier, masquait en réalité des disparités de performances radicales. Alors que Milan affichait +1,76%, à Madrid et Paris jusqu’à +1,8%, Francfort ne gagnait que +0,38% et Milan +0,6%…
… et le DAX30 faisait une incursion dans le rouge vers 16H puis affichait un score nul à 17H, totalement à contre courant des indices US et du CAC40 ! Assez inexplicablement, les valeurs allemandes se sont complètement désolidarisées de Wall Street mercredi en fin d’après-midi.
Les indices US parvenaient pourtant à franchir des résistances importantes, à l’image du Dow Jones (+0,6%) qui débordait la barre des 16.666 points, au-dessus des 16.700 (meilleure marque depuis le 24 août dernier).
Par ailleurs, le pétrole s’adjugeait +5% et tutoyait les 47 $ à New York et, là aussi, cela semblait témoigner d’une anticipation positive sur la conjoncture, avec ou sans hausse de taux.
Alors, qu’arrive-t-il aux valeurs allemandes ?
Pour mieux mesurer l’acuité de cette question, il suffit de comparer le niveau du CAC40 GR (dividende inclus) avec le DAX, puisque les deux indices sont calculés de la même façon.
Ce mercredi, le CAC40 GR affichait 11.000 points, le DAX30 à peine 10.230. Il y a 4 mois, ces deux indices faisaient jeu égal, autour de 12.350 points.
Le DAX30 éprouve les pires difficultés à s’éloigner des 10.000 points, (enfoncés à plusieurs reprises depuis le 18 août dernier) et reste ancré en territoire de correction (-20% par rapport aux sommets annuels).
Il ne s’agit pas d’une anomalie ponctuelle ni d’un rattrapage du CAC40 après une longue période de sous-évaluation : la Bourse de Londres accuse également une lourde contreperformance par rapport au CAC40 ou aux indices US.
C’est en fait un mouvement de fond qui s’inscrit dans la durée. Il implique des montants de capitaux gigantesques… et ces derniers émanent nécessairement d’investisseurs qui ont une vraie vision, qui se préparent à de profonds bouleversements économiques et peut-être géostratégiques : la chute de Londres a été attribuée avec pertinence à la chute du secteur minier et pétrolier ; celle de Francfort est à relier au ralentissement de la Chine (le DAX30 a commencé à corriger à partir du 24 avril, et le 24 août, ce fut la prise de conscience tardive par la communauté financière que son principal client, la Chine, ne participerait plus à la perpétuation du miracle allemand).
Le gros problème pour la France, c’est que l’Allemagne est de loin son principal partenaire économique. Les marchés misent tout sur nos amortisseurs sociaux et sur le positionnement un peu différent de nos multinationales (moins orientées « Chine » que leurs homologues germaniques) : les spéculateurs sont déjà près à sortir les sabres et ne feront pas de quartier, comme en témoigne l’effondrement historique de -23% de Zodiac pour des prétextes aussi minces que les écrans LED installés dans l’appui-tête des sièges d’avion. La chute finale de -20% de Zodiac, pour outrancière et disproportionnée qu’elle soit, sert de révélateur à ce qui attend le marché dès que la mécanique haussière des dernières heures sera enrayée.
Mais le DAX30 n’est-il pas également en repli de -20% depuis ses sommets ?
Cela a pris plus de temps mais les vendeurs se montrent tout aussi déterminés et ne lui laissent aucun répit, peu importe ce que nous prépare la FED tout à l’heure : nous voici prévenus, même 20% plus bas, ils se délesteront sans ménagement.
Bons trades,
Philippe Béchade