Si vous lisez Mathieu Lebrun et de Gilles Leclerc, la théorie de Dow n’a probablement plus de secrets pour vous : en tendance haussière, les plus haut sont toujours plus hauts (et inversement dans une tendance baissière) et la tendance reste valide jusqu’à ce que le support ou la résistance, ainsi formés, soient cassés.
La cassure du support des 4 845 Pts sur le CAC40 a bien eu lieu, dans une tendance baissière, où les plus bas sont sans cesse plus bas et les plus hauts… toujours plus bas… Et il serait imprudent de l’oublier alors que le FMI joue à un jeu dangereux avec Alexis Tsipras et le gouvernement grec.
La volonté de l’équipe de Christine Lagarde de ne pas aboutir à un accord semble manifeste : chaque geste grec n’est qu’un prétexte à de nouvelles exigences alors qu’en accepter une seule condamnerait M. Tsipras à un désaveu du Parlement et à une perte de crédit politique irréversible.
Côté créanciers, on arbore un sourire carnassier rien qu’à l’évocation de l’intransigeance allemande et de la stratégie du « c’est à prendre ou à laisser » adoptée par le FMI.
Si tout se passe comme prévu, si le fort écrase le faible, (la Grèce pèse seulement 2% du PIB européen, à peine plus de deux fois celui des Hauts-de Seine ou moins de la moitié de la Bavière), Syriza ressortira broyé politiquement de cet affrontement avec le FMI. On sera alors assuré que plus aucun mouvement populaire anti-austérité ne parviendra à mobiliser suffisamment de supporters… quand toute résistance est inutile, toute solution alternative ne peut paraître qu’une impasse.
L’écrasement du peuple grec et l’humiliation de son équipe dirigeante est nécessaire à l’éradication de toute forme de contestation future de la machine européenne sous influence des banques, de la BCE et des USA (qui s’exerce à travers le FMI).
Si un Grexit survenait, ce serait du pain béni pour les négociateurs américains du traité TAFTA… dont les tenants et aboutissants sont très démocratiquement maintenus sous un secret absolu, dès fois que le bon peuple tente d’apporter son grain de sel ou d’émettre un avis sur ce qui va largement conditionner son avenir. Avec unGrexit, l’Europe se retrouverait divisée, affaiblie par la crainte que son unité de façade se disloque encore davantage, les négociateurs américains pourraient faire chanter les uns, corrompre les autres… une vraie partie de tir au pigeon !
Si les indices européens ont rebaissé jusqu’à compromettre et invalider leur tendance haussière, c’est parce que le dossier grec véhicule une incertitude : de la sorte, Wall Street apparaît comme l’ultime havre de tranquillité, la perspective d’une ou deux hausses de taux par la FED étant déjà pricée. Aucune mauvaise surprise n’est à donc redouter dans un avenir proche… et si la bouteille d’hélium monétaire porte les initiales BCE sur son flanc, c’est toujours le même flexible et le même détendeur qui alimente les indices US en liquidités.
La litanie des records historiques – très symboliques – inscrits par le Nasdaq et le Russel2000 depuis jeudi dernier n’a d’autre objet que de rappeler que Wall Street est le seul endroit où l’argent reste à l’abri et que, même lorsqu’il n’y a plus aucune raison que les valeurs continuent de monter, eh bien ça monte encore… La volatilité en Europe ou en Chine chasse les capitaux vers les Etats-Unis.
Nous pourrions conclure là-dessus en vous rappelant que si la Grèce fait défaut, la secousse sera rude pour les actifs financiers libellés en euro.
Les valorisations sont trop tendues alors que les taux longs ont repris 75 à 100 points de base du Nord au Sud. Les marchés obligataires sont très étroits, la liquidité très insuffisante en cas de sell-off… mais nous avons repéré ce qui pourrait bien constituer le « canari dans la mine ».
Et ce canari ne chante pas pour les opérateurs européens, il respire un tout autre air, celui des sous-sols de Wall Street.
Pour en revenir à la théorie de Dow (car c’est bien là que nous voulions en venir depuis le tout premier paragraphe), une règle moins célèbre que « la tendance est votre amie », ou une tête/épaules peut être annonciatrice d’une inversion de polarité, il y a cet axiome qui postule que le Dow Jones ne peut progresser de façon sereine si le « Dow Transport » affiche simultanément une orientation baissière. C’est d’ailleurs ce que Mathieu vous avait expliqué à la mi-mars dernier.
Si vous observez bien le graphique du Dow Transport, la chute du pétrole l’a fait exploser à la hausse dès la mi-octobre : il est passé de 7 750 Pts à 9 300 Pts, soit très exactement +20% (c’était Noël avant l’heure pour les transporteurs routiers, les compagnies aériennes, les DHL (DE0005552004) et autres UPS (UPS-Nyse)… et cette atmosphère digne de « l’île enchantée » a perduré jusqu’à la mi-mars.
Mais depuis, le secteur se détraque alors que le baril tente simplement de retrouver un équilibre entre 45 $ et 75 $, soit autour d’un cours pivot de 60 $. Rien d’effrayant : les carburants sont toujours 40% moins cher qu’il y a 1 an, les compagnies aériennes continuent de reconstituer leurs marges.
Mais pour le Dow Transport, rien ne va plus : il a décroché de 10% mi-mars, puis sous les 8 600 Pts en mai… et le voici qui dévissait de 1,9% ce 24 juin tandis que le Dow Jones cédait 1% et le S&P seulement 0,75%.
Ce n’est pas la première fois que le Dow Transport devance une correction majeure de Wall Street, cela s’était déjà produit en mai 1999 puis en juillet 2007, puis de nouveau en mai 2008.
Mais c’est la première fois de l’histoire que le Dow Transport voit sa capitalisation multipliée par 3,4 en 6 ans, ou prendre 4 300 Pts en 2 ans (de novembre 2012 à novembre 2014). Qui peut prédire quelle forme prendre la correction du DJT (après la plus longue progression linéaire de l’histoire et plus colossale accumulation de gains depuis 1932) et avec quelle intensité une dégringolade de 50%, ou plus, affecterait le S&P ?
Une certitude : la cassure des 8 300 Pts signifierait que le canari dans la mine gît désormais au fond de sa cage et qu’il ne manque plus qu’une étincelle avant le grand coup de grisou qui enterrera Wall Street pour de longs mois.