Il est des dirigeants qui font l’unanimité. Des œuvres fécondes capables de susciter l’inclination de la classe politique dans son ensemble.
Sergio Marchionne était l’un de ses dirigeants. Décédé hier à l’âge de 66 ans des suites de complications survenues après une opération à l’épaule, ce grand capitaine d’industrie a rejoint le roman national.
De Matteo Renzi à Matteo Salvini en passant par Silvio Berlusconi et Sergio Mattarella, tous les grands dirigeants italiens passés et présents ont rendu un hommage appuyé au « boss », sorte d’Enzo Ferrari du XXIe siècle, pragmatique inspiré et visionnaire, dont l’histoire retiendra qu’il a su (re)faire de Fiat, au bord du dépôt de bilan à son arrivée en 2004, un géant mondial.
« Le meilleur administrateur délégué que l’on pouvait souhaiter », a également estimé, entre gravité et sobriété, John Elkann, président de Fiat Chrysler Automobile (NL0010877643-FCA), qui compte aujourd’hui quelque 238 000 salariés.
Des décisions judicieuses
Repéré par Umberto Agnelli, alors président de Fiat, Sergio Marchionne rejoint d’abord « Fabbrica Italiana Automobili Torino » en qualité d’administrateur.
A la mort d’Umberto Agnelli d’un cancer en mai 2004, il prend les rênes d’une institution qui accumule les déboires et enchaîne les mauvais choix stratégiques, d’un fleuron transalpin surendetté et qui accuse une perte de 1,6 Md€. Un an plus tard, Fiat revient dans le vert. En 2017, pour sa dernière année d’exercice, son groupe devenu entretemps Fiat Chrysler dégage un bénéfice net de 3,5 Mds€. Des chiffres qui donnent une idée du travail accompli.
Un travail d’orfèvre et de titan, sans suppressions d’emplois massives, qui débute par des négociations fructueuses avec General Motors, dont il obtient le versement d’un indemnité de 2 Mds$ pour être revenu sur son engagement d’un rachat de l’intégralité de Fiat. Puis en 2009, alors que la crise financière bat son plein, le géant turinois amorce un virage majeur en acquérant 20% de Chrysler, alors en faillite… gratuitement, en échange d’accords de coopération technique et commerciale. Un coup de maître. En janvier 2014, après être monté progressivement au capital, Fiat rachète les 41,46% d’actions du constructeur américain qu’il ne détenait pas encore.
Au bout du compte, il aura déboursé « seulement » 6,3 Mds de $ (dont 2 Mds$ tout droit sortis des caisses de Chrysler) pour acquérir la totalité de Chrysler.
Sergio Marchionne est alors à la tête d’un groupe italo-américain, coté à Milan et Wall Street et focalisé sur ses métiers les plus rentables. En octobre 2015, le patron prend une autre décision historique : l’entrée en Bourse de Ferrari, dont il cède 10% pour 786 M$ en cash. L’action, qui cote 52$ pour ses premiers pas à Wall Street, en vaut actuellement… 134.
Fiat-Chrysler chahuté en Bourse
Hasard du calendrier, ou ironie du sort, Fiat Chrysler a fait état justement hier d’une chute de son bénéfice net de 35% au deuxième trimestre à 754 M€, très loin de la prévision moyenne des analystes de 1,3 Md€. Le titre a plongé de 15,5% à la Bourse de Milan, mais un « détail » a manifestement échappé aux investisseurs : la trésorerie est ressortie positive à 500 M€ à fin juin.
Quand Sergio Marchionne a hérité des commandes, la dette atteignait 14 Mds€…