Les indices américains continuent de voguer d’exploit en exploit, mais aussi de battre des records en matière de longévité du « bull trend », avec à présent une… seizième semaine de progression pour Wall Street et une dixième séance de hausse sur 11 pour le Nasdaq.
Nous ne sommes cependant pas en reste de ce côté de l’Atlantique puisque le CAC40 et l’Euro Stoxx 50 viennent d’égaler le record de longévité du rally qui s’était déroulé entre février et mai 2015, consécutivement au lancement du « quantitative easing » (« QE ») de la BCE.
Il s’en faut par ailleurs de peu pour que ce soit également le cas de l’amplitude de la hausse, et ce sera chose faite si le CAC40 – qui plafonne pour l’instant dans la région des 5 480 points – se hisse au contact des 5 515 points et si l’Euro Stoxx 50 grimpe vers les 3 525/3 530 points.
Quant au DAX30, il accuse désormais près de 20% de retard sur le CAC « Global Return » (indice qui inclut les dividendes du CAC40 et dont mon confrère Gilles Leclerc vous parlait lundi dans ces colonnes), lequel n’est plus qu’à 1% de son record absolu du 22 mai 2018.
L’irrésistible ascension du CAC GR tient en grande partie sa source dans nos 4 « GAFA du luxe », alors que LVMH (FR0000121014-MC) a pulvérisé un nouveau record absolu vers les 343€ ce jeudi, dans le sillage de l’annonce d’un bond de 16% de son chiffre d’affaires du premier trimestre à 12,5 Mds€. De quoi conforter sa place de première capitalisation française (environ 171 Mds€ au moment où j’écris ces lignes), très loin devant le tandem Total/L’Oréal (autour de 135 Mds€ chacun).
Tous les indicateurs de surachat ont explosé
Tous les indicateurs de « surachat » ont littéralement explosé depuis la mi-mars, comme un thermomètre placé sous la flamme d’un chalumeau, et les références historiques les plus extrêmes de 2007 n’ont plus aucune pertinence dans un contexte technique de « nouvelle ère ».
Pour faire simple, disons qu’à chaque fois qu’une limite réputée insurpassable a été testée, il ne fallait pas réduire la voilure mais doubler la mise. Chaque fois que le risque semblait avoir atteint un « maximum », il fallait se jeter à corps perdu dans le « full risk on ».
Se renforcer sur les semi-conducteurs, se ruer sur le pétrole et se précipiter sur les cryptomonnaies, qui se sont réveillées en sursaut fin mars, avec notamment un bitcoin qui a pulvérisé la résistance des 4 000$ pour s’envoler de 38% vers 5 450$ en l’espace d’une douzaine de séances. A la plus grande joie d’un autre de mes confrères, Florian Darras, notre spécialiste des « cryptos » (si vous souhaitez profiter de ses conseils sur les monnaies virtuelles, c’est ici !
Dans ce contexte de marchés littéralement incandescents, c’est assez naturellement que les investisseurs ont succombé à la fièvre des IPO.
La première introduction majeure de l’année restera tonitruante. Le concurrent américain de Uber, Lyft (US55087P1049-LYFT), s’est en effet envolé en l’espace de quelques minutes de 72$, son cours d’entrée, vers 88$… avant de tout reperdre au bout d’une semaine, puis de perdre 10% supplémentaires sur des rumeurs de conseil d’allègement de positions par les banques initiatrices.
A 66$, certains ont pu croire à une opportunité de « moyenner » à la baisse… C’est alors que le titre a dévissé de 10,8% (hier) vers 60,1$, tandis que Uber annonçait le dépôt de son dossier en vue de s’introduire à son tour à Wall Street.
Pinterest entend également surfer sur l’avidité des investisseurs dans un contexte d’assèchement des titres en circulation après deux années de « buybacks » massifs.
Le site de partage de photographies numériques devrait in fine s’introduire entre 15 et 17$ (et non pas 20$ comme la rumeur le laissait présager), ce qui le valoriserait tout de même à 9 Mds$ pour un chiffre d’affaire de 2,8 Mds$ (dont 1 Md$ de recettes publicitaires via les Promoted pins et Cinematic Pins) et 47,5 M$ de pertes en 2018.
80% des entreprises ayant fait l’objet d’une IPO l’an passé perdaient de l’argent et en perdent encore en 2019… mais plus personne n’ose prendre le risque de passer à côté du futur Facebook ou du futur Google même si, différence de taille, ces deux-là étaient déjà profitables avant de se lancer dans l’aventure boursière.
La rafale d’IPO actuelle nous fait immanquablement penser à celle, tristement célèbre, de mars/avril 2000, mais aussi et surtout à une soudaine ruée vers la sortie des fonds de « private equity ». Alors que le potentiel de valorisation semble avoir atteint le maximum envisageable, et à un moment où l’appétit pour les marchés semble avoir atteint les limites du concevable…