Attention : les marchés repassent full risk on !
Wall Street a fini la quatrième semaine de janvier en apothéose. Une clôture ponctuée par des cris de joie sur le floor du NYSE. On pouvait y voir des visages d’opérateurs hilares, presque extatiques. Mais comment peut-on gagner autant d’argent aussi rapidement, sans jamais marquer la moindre hésitation depuis le 1er janvier ?
▶ La preuve qu’il faut avoir confiance : ça monte
Ce marché est devenu magique. Il marche sur l’eau, il n’y a plus que des acheteurs. D’ailleurs plus de 80% des opérateurs se déclarent « optimistes » à « très optimistes », citant le cocktail idéal de croissance sans inflation et les perspectives bénéficiaires qui ne cessent de s’améliorer. Pour rappel, cette anticipation s’était payée entre +25 et +30% en 2017.
Tout devient parabolique. Les algos s’affolent, reproduisant les paniques à la hausse d’investisseurs de chair et d’os de 1999/2000. Ils propulsent les PER vers des sommets inconnus, même en tenant compte de résultats « meilleurs que prévus » et extrapolés sur des durées qui défient l’entendement. Les trimestriels sont calculés pour ménager un effet « bonne surprise ».
▶ Un nouveau carton plein
C’est donc un nouveau « carton plein » de records (le 14e sur 18 séances en janvier !). Le score annuel devient vertigineux (+7 à +8% sur janvier). C’est le Dow Jones qui fait la course en tête, dans le sillage d’Intel (+10,6% vendredi, plus forte hausse depuis juillet 2014), de Walmart, Visa puis de Boeing (+16,5% en 2018).
Si le PIB des Etats-Unis n’a progressé que de 2,6% au quatrième trimestre 2017 (contre +3,2% au T3), ce n’est qu’une toute première estimation. Wall Street préfère se focaliser sur trois éléments qui lui plaisent beaucoup :
1. une consommation en hausse de +3,8% en 2017 ;
2. des investissements en hausse de +11,6% dans le secteur du logement ;
3. des dépenses d’équipement des entreprises qui bondissent de +11,4%.
Tout cela plaît moins aux spécialistes des marchés obligataires puisque les bons du Trésor américains se tendaient de +4 points sur l’ensemble des maturités. Les taux s’affichent à 2,67% sur le 10 ans, 2,1250% sur le 2 ans. Quant aux 30 ans, le taux se rapproche des 3% (à 2,92%).
Le coût de financement des positions à crédit sur les actions bondit de 80 points de base en 12 mois. Le rendement « sans risque » sur 24 mois dépasse de 20 points de base celui du S&P500. Mais rassurez-vous : cela ne fait pas dérailler le TGV haussier, puisque la vélocité des indices boursiers dépasse le rythme du renchérissement du coût du portage des positions à terme.
▶ Les investisseurs repassent full risk on
Ce genre de justification trahit le gigantesque coup de poker des investisseurs. Ces derniers misent tout sur le rapatriement de centaines de milliards de dollars de fraude fiscale amnistiée sous l’impulsion de Trump qui permettront d’alimenter Wall Street en liquidités par le biais des hausses de dividendes et des rachats de titres.
Cette conviction est si bien ancrée que les investisseurs ne couvrent même plus leurs achats les plus risqués (full risk on). Le volume de calls (options d’achat) écrase littéralement le volume de puts (options de vente). Personnellement, je ne me souviens pas avoir vu une configuration aussi dangereuse depuis fin août/septembre 1987.
Sans vouloir à tout prix verser dans le sensationnalisme, l’autre point commun avec l’automne 1987, c’est la baisse anarchique du dollar depuis le début de l’année (malgré sa rémunération en hausse linéaire). Cette nouvelle alimente le soupçon d’une « guerre des devises » visant à doper la croissance américaine via les parités de change. D’ailleurs, Jim Rickards, l’expert des Publications Agora en guerre des devises, joue sur la baisse du dollar depuis un an ; vous devriez profiter de ses conseils sur les guerres des devises, qui ne feront que s’accentuer.
▶ La logique de Trump
Donald Trump a réaffirmé depuis Davos qu’il n’aime pas les pays qui cherchent à influencer le cours de leur devise. Et tout en relativisant la portée des propose de Steven Mnuchin sur les avantages d’un dollar faible, il promettait des investissements militaires d’ampleur « historique ». Mais qu’est-ce que vient faire à Davos l’apologie de l’arsenal US en plein débat sur un « monde fracturé » ? De plus, chacun sait que ces investissements militaires seront financés à 100% par le déficit fédéral, autrement dit, la planche à billets. Donc par un dollar faible.
Magnifique exemple d’injonction contradictoire. Elle vient d’ailleurs s’ajouter à la promesse électorale de réduire les inégalités et mettre au pas Wall Street… en abaissant massivement les impôts des plus riches et en dérégulant la finance à marche forcée.
Mais… suis-je bête : pour convaincre le monde que le dollar est solide, quel meilleur moyen de démontrer sa confiance dans sa hausse future que d’en imprimer davantage ?!
C’est exactement ce que font les banques. Plus leurs clients sont endettés (crédit auto, immobilier, prêts étudiants, spéculation boursière, achat de crypto-devises avec la carte de crédit) plus ils leur prêtent.
Quoi de plus indispensable que la confiance pour faire avancer nos économies ?
Et pour protéger les vôtres, je dirais : l’instinct de survie !