J’étais d’abord assez satisfait du jeu de mot (« guerre », « tranché »… allusion à la « guerre de tranchées ») qui se dessinait sur le front des relations commerciales avec la surtaxation de l’acier européen à 25%. mais le titre prend aujourd’hui un tout autre relief avec un incident rarissime dans l’histoire du G7. L’un de ses membres, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit des Etats-Unis, a en effet signé dans un premier temps le communiqué final… avant de se rétracter et de déchirer le document, s’en prenant violemment à l’un des cosignataires, lequel n’était autre que l’organisateur du sommet, à savoir le Canada.
Le président américain a justifié sa volte-face, prenant la forme d’un tweet vengeur dont il a le secret, par la tonalité jugée inacceptable de la conférence de presse de conclusion prononcée par le Premier ministre canadien, alors que Donald Trump était déjà à bord de Air Force One pour rallier Singapour.
Justin Trudeau a eu l’impudence de qualifier les taxes infligées sur l’acier et l’aluminium « d’insultantes au regard de l’histoire entre les deux pays ». « Les Canadiens sont polis et raisonnables mais ils ne se laisseront pas bousculer », a-t-il ajouté.
S’alignant sur la position de l’Union européenne, le Premier ministre canadien a confirmé qu’il associerait son pays à d’éventuelles représailles douanières contre les Etats-Unis d’ici juillet. Un laps de temps de trois semaines pour négocier et laisser peut-être le temps à la poussière délétère de ce G7 de retomber.
▶ Justin Trudeau pris en grippe
En attendant, ce sommet n’a fait que des perdants et Donald Trump a encore une fois semé la consternation, alors que son « art du deal » s’apparente de plus en plus à ce qu’il semblait être, c’est-à-dire « l’art du bourre-pif » (ou du « nez qui saigne », sa tactique officielle vis-à-vis de la Corée du Nord pour amener « Rocket-man » à la raison et finalement à la table des négociations ce 12 juin à Singapour).
Justin Trudeau peut, quant à lui, effacer le « 06 » de Donald Trump de son smartphone car ce dernier ne lui répondra plus. Le locataire de la Maison-Blanche l’a en effet qualifié de personnage « très malhonnête et faible », des mots forts qui risquent de laisser des traces.
Cela étant, le Premier ministre canadien a raison lorsqu’il affirme que ce sont le plus souvent des entreprises américaines – et leurs salariés – qui seront impactées par une hausse des tarifs douaniers… et il aurait également pu rappeler (mais il ne l’a pas fait) que le Nord-Est des Etats-Unis dépend grandement de l’électricité bon marché que lui fournit le Canada et Hydro-Québec.
Si le kilowattheure augmentait discrètement de quelques cents, cela pourrait donner à réfléchir aux industriels nord-américains et à Wall Street…
Perdante également Angela Merkel, dont la fermeté n’évitera sans doute pas la guerre commerciale avec Washington, qui cible clairement les constructeurs automobiles allemands.
A cet égard, Donald Trump ne s’est pas privé de renouveler sa menace de surtaxer les voitures européennes (elles supportent un taux symbolique de 2,5% et celui-ci pourrait être aligné sur les 10% qu’applique l’Europe sur les voitures « made in USA ») et étrangères – au sens large – importées aux Etats-Unis. Par ricochet, cette mesure pourrait aussi porter préjudice au Japon.
▶ Emmanuel Macron humilié
Dernier (grand) perdant, Emmanuel Macron, qui selon ses dires, et avec une pointe de vanité non-dissimulée, avait usé de toute son « influence » pour que la délégation américaine avalise le document final en 28 points péniblement négociés en amont lors du G7 Finance du week-end précédent.
Après l’épisode du retrait des troupes américaines de Syrie dont Jupiter avait soi-disant dissuadé Donald Trump (qui s’était empressé de démentir cette information « dénuée de tout fondement »), après le camouflet concernant l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
Macron s’est de nouveau trouvé démenti après avoir, non sans triomphalisme, déclaré que « le président Trump a vu qu’il avait face à lui un front uni ». « Se retrouver isolé dans un concert des nations est contraire à l’histoire américaine. Nos échanges ont permis de rétablir la vérité sur les relations commerciales entre l’Europe et les États-Unis. Cette compréhension collective est essentielle », avait-il commenté… avant que le président américain n’assène ce énième coup de pied dans la fourmilière, assurant par ailleurs qu’« il n’y aura plus de mesure unilatérale négative ».
Aïe ! Encore raté ! L’Elysée s’est ensuite fendu d’un communiqué fustigeant « les petites phrases et les petites colères ».
Et dire qu’Emmanuel Macron est le dirigeant occidental qui semblait avoir les meilleures relations avec Donald Trump, supportant stoïquement sa poignée de main broyeuse et se félicitant d’une confiance mutuelle !
Imaginez ce que ça doit être avec les autres dirigeants mondiaux. Les marchés ont de quoi frissonner…