Tout le monde a, plus ou moins, entendu parler de la corrélation inverse liant instruments à taux fixe (obligations corporate, bons du Trésor) et instruments à taux variable (actions, ETF, options…). La baisse de rendement des premiers permettant à celui des seconds de tendre vers l’infini.
Mais il y a infini et infini…
An 1981, des taux directeurs à 1%, cela ne figurait que dans les livres d’histoire. Et encore, il fallait remonter un siècle et demi en arrière. Les taux zéro, c’était juste de l’economic fiction.
C’était il y a 35 ans et « 35 », c’est une éternité (les maturités les plus longues émises à 30 ans émises aux Etats-Unis avec un taux implicite record de 18% ont expiré il y a déjà 6 ans).
Jusqu’en 2010, le ratio liant rendement obligataire (référence « 10 ans ») et rendement des actions est demeuré relativement stable durant les 3 précédentes décennies. En fait, il a oscillé entre 0,6 (en période d’euphorie) et 0,3% (en période d’aversion totale au risque).
Autrement dit, quand un bon du Trésor à 10 ans rapportait 2%, un portefeuille d’actions délivrait du 3,2% les bonnes années et du 2,6% les mauvaises années (2002 ou 2008, par exemple).
Aujourd’hui, ce ratio atteint pratiquement 2,5 et un cap décisif semble avoir été franchi avec le débordement du ratio 1,8, avec une courbe devenue exponentielle.
C’est comme si un rendement historique constant, du diamètre d’une balle de tennis, venait d’atteindre celui d’un ballon de basket, avec pas plus de profits à distribuer qu’il y a 6 ans. De plus, les gérants continuent de frapper avec la même raquette, car la règle du jeu demeure la même (engager dans le carré de service situé en diagonale et faire passer ensuite la balle de part et d’autre du filet).
Le taux de rotation monétaire global, seule véritable mesure de la croissance
Le jeu est en train de devenir très lent, à mesure que le diamètre de la balle augmente. Vous voyez où je veux en venir ? Il suffit de filer la métaphore et de regarder ce qui se passe du côté du taux de rotation monétaire global, la seule véritable mesure de la croissance sous-jacente et l’indicateur avancé de pressions inflationnistes (si l’argent ne circule pas, c’est la déflation qui commence à poindre à l’horizon).
Cette vitesse de rotation est en chute libre depuis 2012 :
- moins d’investissement productif (le monde est en surcapacité, notamment la Chine) ;
- moins de prise de risque ;
- moins d’emprunteurs solvables dans les pays développés (classe moyenne laminée).
Après tout, les banques centrales garantissent des gains certains et spectaculaires sur des bons du Trésor ! Alors pourquoi prendre le risque de prêter à l’économie réelle ? Autant prêter aux Etats obèses et mal gérés, puisque le remboursement de la dette est garanti à terme (le Japon affiche 250% de déficit et imprime les yens permettant de « rouler » les émissions arrivant à échéance).
Guerre des devises : tout est relatif !
Le seul risque dans cette configuration est d’être remboursé en monnaie de singe. Or, en la matière, tout est relatif ! Si tout le monde imprime, aucune devise ne se déprécie radicalement par rapport à une autre. Au pire, c’est « chacun son tour » et les cambistes gèrent parfaitement la situation.
Revenons à notre ratio rendements des actions/bons du Trésor. Les 2,5 actuels nous donnent le vertige, mais nous étions déjà bouche bée lorsque les 1,6 ont été débordés en 2013 et à 1,8 en juin-juillet 2015. Nous pensions alors que la bulle avait atteint l’extrême limite (de l’expansion des multiples) et devait se situer très près du point de rupture.
Depuis, ce ratio a encore enflé de +60%. Mais qui avait introduit dans ses calculs des taux négatifs de -1% en Suisse (emprunts à 1 an), de -0,2% sur les Bunds (10 ans), et même -0,005% sur 20 ans (au Japon) ?
Une nouvelle norme ?
Du jamais vu ? A une échelle globale et planétaire, c’est assurément sans précédent. Mais il y a pourtant un cas ! Oublions les taux négatifs pour ne retenir que la corrélation inverse par rapport aux action et nous vous souhaitons un joyeux retour vers le futur : celui du monde merveilleux des « dot.com » sur la période incandescente janvier 1999-mars 2000. C’était la « nouvelle économie ».
Aujourd’hui, les taux négatifs, c’est la « nouvelle normalité ». Méfions nous de tout ces « nouveautés » qui cachent du bizarre !
S’il n’y avait pas de doutes sur la conformité du scénario, l’once d’or n’aurait pas pulvérisé les 1 350 $ mercredi, l’once d’argent ne caracolerait pas au-dessus des 20$… et les gérants s’arracheraient les valeurs bancaires au lieu de les vendre à découvert !
A tel point que les « shorts » viennent d’être interdits sur l’Italienne BMPS.
Quelle sera la suivante ? Unicredit, Santander… ou notre favorite post-Lehman, à savoir la Deutsche Bank (qui risque de se transformer en « Deutsche Bang ») ?