C’était l’un des grands sujets économiques du mois écoulé, mais la faiblesse des volumes, torpeur estivale oblige, a en quelque sorte fait passer la pilule. Pour autant, si les marchés actions continuent de bien résister, la crise économique turque reste une inquiétante réalité.
« Quoique très minimisée voire occultée par les médias dits mainstream, (elle) a tous les ingrédients pour devenir l’épicentre d’une déferlante dévastatrice », écrivait Jérôme Revillier dans ces colonnes vendredi dernier. Une opinion que je partage pleinement et que mon collègue a justifiée par trois facteurs tout aussi préoccupants les uns que les autres : « un président arrogant et à l’ego démesuré, une dette hallucinante par rapport au PIB et une politique monétaire incohérente ».
Recep Tayyip Erdogan a muselé l’opposition. Comme mon confrère Philippe Béchade l’a dénoncé à maintes reprises, il cornaque les médias, contrôle l’armée, peut « faire chanter » l’Union européenne de par le rôle d’antichambre que joue son pays dans la crise migratoire, mais l’omnipotent président turc semble totalement impuissant pour atténuer les conséquences d’une crise économique que les rapports désormais délétères entre Ankara et Washington ne font qu’aggraver. Ennemi autoproclamé des taux d’intérêts, il paraît aussi dépassé que son gendre Berat Albayrak, nommé au poste clef de ministre des Finances au début de l’été alors même qu’il n’a aucune expérience.
▶ La Banque centrale turque semble elle aussi sous le contrôle d’Erdogan
L’implacable réalité des chiffres officiels publiés ce lundi matin fait en tout cas froid dans le dos. L’inflation turque a ainsi bondi de 17,9% entre août 2017 et le mois dernier et a crû de 2,3% en rythme séquentiel (c’est-à-dire entre juillet et août 2018), légèrement plus que la hausse de 2,23% pronostiquée par la moyenne des économistes.
L’Europe tendra-t-elle effectivement la main à la Turquie via le FMI comme elle s’est dite prête à le faire ? Recep Tayyip Erdogan et Donald Trump lâcheront-ils du lest, ce qui ferait le plus grand bien à une livre turque qui a perdu quelque 40% de sa valeur face au billet vert depuis le début de l’année ?
En attendant, on suivra la réunion le 13 septembre prochain de la Banque centrale turque, qui contre toute attente a maintenu ses taux en l’état lors de la précédente. L’indépendance de cette institution est aujourd’hui gravement menacée. Le gouverneur – mais aussi ses adjoints et les membres du comité de politique monétaire – sera nommé directement par le chef de l’Etat pour quatre ans, a-t-on en effet appris début juillet.
Dans ces conditions, le vœu des investisseurs d’un relèvement prononcé de ces taux qu’exècre ce même chef de l’Etat, dont l’ingérence est devenue un véritable vice cardinal, risque fort de ne pas être exaucé…
En Argentine, le taux directeur argentin a été porté de 45 à 60%… pour quelle efficacité ?