Donald Trump VS Jerome Powell ? Le président des Etats-Unis a déclaré publiquement lundi ne pas être « emballé » par le gouverneur de la Réserve fédérale américaine (Fed), qu’il a lui-même nommé et ne ménage guère depuis plusieurs semaines.
Ces propos ont fait jaser, sachant qu’en principe l’institution est indépendante. Ce n’est toutefois pas la première fois que la Maison-Blanche rentre en conflit avec la Fed.
Et en général, celui-ci tourne à l’avantage du président des Etats-Unis. Petit tour d’horizon des passes d’armes entre « POTUS » (President of the United States) et son grand argentier.
Richard Nixon VS Arthur Burns
Au début des années 1970, Richard Nixon a su prendre l’ascendant sur Arthur Burns, qu’il avait nommé lui-même à la tête de la Fed un an après être entré à la Maison-Blanche. Les « Nixon tapes » (enregistrements Nixon) rendus publics en 2013 par les Archives nationales ont permis de percer le mystère de la relation entre le 37e président des Etats-Unis et le chairman de la Fed, montrant un Arthur Burns aux ordres face à un président Nixon sûr de son fait.
Morceaux choisis :
« Mes relations avec la FED seront différentes [avec vous]. [L’ancien président de la Fed Bill Martin] était toujours en retard de six mois. Je compte sur vous, Arthur, pour nous préserver d’une récession ».
Ce à quoi Arthur Burns répondit : « Oui monsieur le président, je n’aime pas être en retard. » Ou encore :
« Arthur, je veux que vous veniez me voir en privé à n’importe quel moment […] Je connais ce mythe sur l’autonomie de la Fed… (rires). Quand vous allez être auditionné par le Sénat, certains sénateurs pourraient vous demander ce qu’il en est de votre amitié avec le président. Les apparences vont énormément compter, alors vous pouvez appeler John Ehrlichman (NDLR : le conseiller pour les Affaires intérieures) pour m’adresser des messages, et il vous rappellera. »
Arthur Burns, qui était réticent au projet de Richard Nixon d’abandonner la convertibilité or-dollar héritée des accords de Bretton Woods, n’a pas eu gain de cause puisque les changes flottants ont été instaurés par le locataire de la Maison-Blanche en 1971. Il n’a par la suite pas été reconduit à la tête de la FED par Carter en 1978.
Jimmy Carter VS George William Miller
Il s’agit du plus bref mandat d’un président de la Réserve fédérale : George William Miller n’est resté qu’un an à la tête de la Fed. Choisi officiellement dès 1977 par le président Carter quelques mois après son investiture, d’un profil atypique (issu du monde de l’entreprise plutôt que de la finance ou des sciences économiques comme d’accoutumée pour ce poste), il s’est rapidement attiré les foudres du président démocrate pour sa pusillanimité face à l’inflation, qui s’accélérait. Le magazine Time a même révélé que des fuites dans la presse ont été orchestrées pour prolonger la controverse entre la Maison-Blanche et la Réserve fédérale.
Comment limoger un haut fonctionnaire indépendant qu’on vient de nommer en début de mandat ? Jimmy Carter a trouvé l’astuce : nommer l’importun secrétaire au Trésor (là encore pour une seule année), puis nommer quelqu’un d’autre (en l’occurrence Paul Volcker) au poste dès lors vacant de président de la Réserve fédérale américaine. De quoi donner des idées à Donald Trump ?
George Bush père VS Alan Greenspan
Nommé par le président Ronald Reagan en 1987, Alan Greenspan a pu quant à lui s’affirmer au fil des présidents. Et en cinq mandats à la tête de la Fed (un record), il en a connu ! Après le républicain Reagan, il a travaillé avec son ancien vice-président George Bush père, puis avec le démocrate Bill Clinton et enfin avec le fils du prédécesseur de ce dernier, George W. Bush… Tous l’ont renouvelé à la tête de la Fed.
George Bush père a toutefois imputé sa non-réélection à l’action de la Réserve fédérale, qui avait résisté à ses appels à garder des taux d’intérêt bas. Electron libre, Alain Greenspan a en revanche fait l’éloge du plan de réduction des déficits du démocrate Bill Clinton en 1993, apportant un soutien précieux à l’étroite majorité du président. Prenant position en janvier 2001 pour des réductions d’impôts drastiques, il a ensuite donné du crédit au projet de réforme fiscale de George W. Bush.
Donald Trump VS Jerome Powell
Et c’est maintenant Donald Trump, le président républicain populiste, qui promet de réindustrialiser l’Amérique et de lui redonner sa grandeur, en proclamant que la dette n’est pas un problème, qui est déçu que Jerome Powell ne soit pas un homme qui aime « l’argent pas cher ». Le compte rendu de la dernière réunion de la Fed, publié hier soir, a sans surprise montré qu’un nouveau relèvement des taux était à prévoir pour le mois prochain.
Choc inévitable entre l’exécutif, qui, les yeux rivés sur les échéances électorales, privilégie volontiers la relance par le crédit bon marché, tandis que la banque centrale surveille l’inflation comme le lait sur le feu.
La trame de fond a déjà servi maintes fois (elle rappelle les pressions de Nixon, ou celles, moins fructueuses, de George Bush père), mais reste à savoir quel scénario précis prend la suite de ce énième épisode de POTUS versus Fed, avec des élections de mi-mandat incertaines pour le camp républicain et alors que l’étau judiciaire se resserre autour de Donald Trump.
Déjà 8% de glissade du yuan en trois mois, mais pour Trump, le problème… c’est la FED
1 commentaire
[…] Comme un air d’affrontement (pas si nouveau) entre la Fed et la Maison-Blanche […]