Une guerre froide Chine-Etats-Unis, c’est désormais plus, beaucoup plus qu’une accroche racoleuse ou qu’un rugissement de tigre de papier.
Est-ce que Wall Street avait flairé le coup de « com’ » frelaté lors du dernier tweet de Donald Trump vendredi ? Le locataire de la Maison-Blanche avait provoqué une brève flambée linéaire de 1,5% des indices américains en déclarant que « la Chine avait envie de conclure un accord commercial avec les Etats-Unis » et qu’en conséquence « le recours à de nouvelles sanctions douanières pourrait ne pas s’avérer nécessaire ».
Sauf que les opérateurs n’ont pas tardé à se demander si les Chinois allaient confirmer cette version… et qu’au bout du compte l’essentiel des gains a rapidement été reperdu, tant et si bien que les trois principaux indices ont cédé en moyenne environ 2% sur la semaine close.
La séance des « Trois sorcières » aura ainsi, comme souvent, confirmé la tendance sous-jacente.
J’ouvre une parenthèse – assez inquiétante – en marge de la question des relations sino-américaines. Il se trouve qu’à cinq jours de Thanksgiving et du « Black Friday », les distributeurs et autres enseignes ont lourdement chuté, à l’image de Nordstrom (-13,7%), de Hanesbrand (-4,8%), d’Under Armour (-3%), de Ralph Lauren (-2,1%) ou encore de Best Buy (-2%)…
J’en viens maintenant au sujet du jour : le vice-président Mike Pence et le président chinois Xi Jinping ont multiplié les menaces et autres échanges acerbes à l’occasion du sommet annuel de la coopération économique Asie-Pacifique (APEC) qui s’est tenu en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
▶ Des pierres d’achoppement toujours plus nombreuses entre la Chine et les Etats-Unis
Les observateurs, notamment coréens et japonais, estiment que le sommet s’est achevé dans « un chaos et un désarroi sans précédent ». De fait, pour la première fois de toute son histoire, il n’a donné lieu à aucun accord, ni communiqué final commun.
Démentant le tweet de Donald Trump quelques heures auparavant, officiels américains et chinois ont fait étalage de leur ressentiment grandissant, se promettant une escalade réciproque des tensions commerciales. Et la rivalité entre ces deux superpuissances ne se cantonne pas aux seuls échanges économiques, avec un affrontement frontal en termes d’influence géostratégique sur la zone Asie-Pacifique, mais aussi en Asie continentale avec l’autre branche – terrestre – de la fameuse Route de la soie.
En ce qui concerne les traités commerciaux que la Chine aurait soi-disant été impatiente de signer, deux paragraphes ont rendu furieux le ministre des Affaires étrangères Wang Yi, l’un mentionnant les « pratiques commerciales déloyales » de la Chine au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec une invitation à réformer cette instance pour résoudre ce problème ; l’autre concernant le développement durable, avec en sous-entendu des efforts particuliers à consentir en la matière de la part de Pékin.
Le président du sommet, le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée Peter O’Neill, a reconnu qu’il n’avait trouvé aucune option pour rapprocher les points de vue entre les deux géants.
Pour rappel, le président américain a menacé à maintes reprises de se retirer de l’organisation, soutenant que ses règles favorisent injustement la Chine. Quant à l’Union européenne, elle devrait proposer des pistes de réformes lors du sommet du G20 en Argentine, où Trump et Xi prévoient de se rencontrer.
Le directeur général du département des Affaires économiques internationales du ministère chinois des Affaires étrangères Wang Xiaolong a par ailleurs déclaré que les rumeurs (alimentées par la délégation américaine) de tentatives de pression sur les organisateurs de l’APEC afin de traiter la Chine favorablement face aux exigences de Washington n’étaient « tout simplement pas vraies ».
Voilà qui devrait nous promettre une chaude ambiance sur les marchés actions cette semaine…
Pour dissiper le malaise, il faudrait :
– que la Fed adopte un discours « dovish » et Trumpo-compatible ;
– que Theresa May obtienne le soutien de son propre parti pour mener à bien le Brexit ;
– que l’OPEP ne remette pas sur la table une proposition de réduction des quotas de production ;
– que Bruxelles trouve quelques aspects positifs à la deuxième mouture du projet de budget italien pour 2019 ;
– que Thanksgiving et le « Black Friday » se soldent par des ventes record aux Etats-Unis les 22 et 23 novembre ;
– que les banques italiennes ne soient victimes d’aucun problème de cash ;
– que l’Allemagne démontre que sa croissance va se redresser vigoureusement d’ici Noël ;
– que les préparatifs du G20 en Argentine ne préfigurent pas un fiasco comparable à celui du G7 à La Malbaie au Québec en juin dernier.
Cela fait huit conditions à réunir. Quelques broutilles qui pourraient justifier une hausse des marchés en mode « wall of fear » (« mur de la peur ») ?
Des records sur le gaz naturel et le pétrole… diamétralement opposés !