Netflix (US64110L1061 – NFLX) a publié ses résultats semestriels hier. A priori, ces derniers ont de quoi laisser rêveur, entre un chiffre d’affaires en hausse de 40% et des profits supérieurs aux attentes (le bénéfice net est ressorti à 0,85$ par action ; alors que le consensus tablait sur 79 cents).
Sauf que l’action a plongé de pratiquement 15% en séance pour finalement clôturer en repli de 5,24% à la faveur d’un bon coup de main des algos, qui comme je m’apprête à vous l’expliquer ont réussi in extremis à limiter la casse.
Ce qui s’est passé est particulièrement intéressant à plus d’un titre.
Comme je vous le disais avant-hier à propos de Casino, « il suffit souvent pour les sociétés étrillées en Bourse d’une « petite bonne nouvelle », d’une petite étincelle pour provoquer un rebond qui peut être très important ». C’est en revanche exactement l’inverse s’agissant des valeurs « stars » de la cote, lesquelles ont tout intérêt à ne pas décevoir sous peine de boire la tasse…
Or, Netflix a déçu les investisseurs quant au rythme de recrutement des nouveaux abonnés, avec « seulement » 5,2 millions au cours des trois derniers mois, soit un million de moins qu’attendu par le consensus. Le groupe s’est surtout « troué » sur son marché domestique avec 670 000 nouveaux abonnés sur ce même deuxième trimestre, loin de l’estimation moyenne des analystes de 1,2 million.
Personnellement, je me demande si le marché n’est pas entré dans une espèce de transe comparable à ce qu’il s’était produit sur les technos au début des années 2000, avec en l’occurrence un secteur digital littéralement porté aux nues.
Sur le papier, la performance de Netflix demeure en effet époustouflante ou à tout le moins très respectable, mais les analystes surévaluent quelque peu son potentiel et celui du secteur dans sa globalité.
▶ Des ratios astronomiques
Pour agrandir le graphique, cliquez dessus
Du point de vue boursier, l’action a plus que doublé depuis le 1er janvier, passant de 190 à 420$ (la flèche verte sur le graphique) alors même que des signes de ralentissement commençaient à se faire sentir….
Et comme pour toute bonne valeur tech qui se respecte, le public est prêt à payer des ratios astronomiques. Netflix se paie en effet actuellement… 140 fois les bénéfices (PER de 140).
Je ne porterai pas de jugement sur ces niveaux de valorisation, ni sur le comportement des acteurs du marché, qui permet de pousser les prix dans la stratosphère, mais si vous disposez d’un peu de temps en cette période estivale je vous recommande de lire ou de relire La psychologie des foules, de Gustave Le Bon.
L’auteur de cet ouvrage intemporel explique notamment comment on peut arriver à hypnotiser les foules jusqu’à leur faire acheter un bulbe de tulipe au prix d’une maison, comme cela s’est produit au XIIe siècle en Hollande, et je vous invite à remettre ce livre en perspective avec ce qui est en train de se passer sur les valeurs tech.
Pour en revenir à Netflix, la réaction du marché à la suite de sa publication me semble intéressante. Je ne vous cache pas que je suis toutes les valeurs Gafa, non pas pour les trader, mais pour essayer de sentir quand le vent va tourner sur ces valeurs qui, à elles seules, sont directement à l’origine de la quasi-totalité de la hausse des principaux indices américains.
Ce qui est aussi très instructif, c’est la façon dont le « marché » (enfin les algos…) ont réagi à cette nouvelle.
Dans un premier temps, c’est la stratégie habituelle dans le cas d’une mauvaise nouvelle inattendue qui a été mise en place : les algos ont « lâché » le titre et massacré son cours.
Toutefois, dans un deuxième temps, ils ont attendu l’arrivée d’un bon support pour retourner leur veste… et piéger les vendeurs qui ont eu l’imprudence d’essayer de prendre le train en marche. Les vendeurs ont ainsi été obligés de se racheter, ce qui a engendré un flux d’achats supplémentaire, et les algos ont au bout du compte fait remonter le titre aussi vite qu’il était descendu.
C’est ce que l’on appelle la stratégie du « market shock » (on laisse filer, et quand il y a suffisamment de monde dans le bateau, on tape un grand coup pour renverser la barque et reprendre le contrôle des prix).
▶ Attention à ne pas casser le support des 340$
Pour bien comprendre le mouvement il faut d’abord bien regarder le cadrage graphique de Netflix.
Les reports d’amplitude (les flèches verticales) font ressortir les niveaux d’intervention des grosses mains. Les amplitudes horizontales de très long terme sont en bleu foncé, celles de moyen terme en marron, les intermédiaires en orange et les obliques (canaux haussiers bleus en bleu clair avec la résistance du canal supérieur) en rouge.
À partir de là, on se concentre sur les niveaux et les dernières bougies qui figurent dans le « zoom » placé en haut à gauche du graphique. Celui-ci fait apparaître :
- Un décrochage en gap baissier en partant du niveau du support intermédiaire (pastille orange) devenu résistance (le petit segment violet horizontal « S.I -> RI ») ;
- Un appui fort pour aller toucher le support « S » (le rectangle horizontal vert) ;
- Un retournement quasi-instantané (le « market shock ») en prenant appui sur le support (pastille orange du bas) ;
- Une clôture pile en retour sur le support intermédiaire devenu résistance (« SI -> RI »).
C’est du beau travail ! L’exécution parfaite d’une stratégie bien huilée qui aura permis de rattraper le titre en plein vol et, surtout, d’éviter qu’il ne donne un très mauvais signal pour la suite.
Il n’en demeure pas moins que ce décrochage et l’information qui l’a provoqué laisseront des traces, en tout cas au niveau des volumes, qui ont été très denses (pastille orange sur volume).
Avec une fluctuation de plus de 15% dans la journée (en mode « portes de saloon »), les petites mains et les joueurs de court et moyen terme (je parle des humains) se sont sans doute fait sortir du marché. Grosso modo, entre 380$ et le support des 340$, la très grande majorité d’entre eux ont dû se faire éjecter.
Restait donc les très grosses mains et leurs algos, qui pour le coup vont pouvoir faire ce que bon leur semble puisqu’ils ont maintenant les mains totalement libres.
C’est bien ce qui nous intéresse : voir ce que vont faire les grosses mains. Mais attention ! Si le titre reprend la baisse et vient à casser le support des 340$, ce sera un très mauvais signe pour la suite des événements. Et pas que pour Netflix…
Gilles,
Attention au piège baissier sur Saint-Gobain : les algos ont pris le contrôle