Des opérateurs désormais vendeurs à tout prix…
Le 4ème trimestre commence bien mal pour l’eurozone. Certes, les achats techniques, de la séance du lundi, ont réussi, tant bien que mal, à compenser la désintégration de Volkswagen (DE0007664005) et la sortie de route de l’ensemble du secteur automobile… Cependant, dès le lendemain, le CAC 40 franchissait la ligne jaune sous l’espèce de la cassure des 4 530 pts, rupture qui a fait redoubler l’ardeur des vendeurs de la Bourse de Paris, qui n’ont pas fait dans le détail en infligeant un cinglant -3,4% à l’indice parisien.
À vrai dire, depuis le 24 août dernier, il ne faut aux « ours » (les bears, les opérateurs baissiers) que quelques dizaines de minutes pour anéantir les ambitions des « taureaux » (les bulls, les opérateurs haussiers) qui mettent alors souvent des heures pour regagner quelques pouces de terrain.Dès que les bears bombent le torse, les bulls se dispersent comme une volée de moineaux et ne tentent plus aucune contre-attaque jusqu’à la clôture de la séance.
Même le test de beaux supports comme les 4 400 pts en début de séance mercredi n’a débouché que sur un sursaut sans consistance : après avoir flirté avec les 4 480 pts, la dynamique haussière s’est dégonflée et l’indice a terminé sur un gain anecdotique de +0,1%, à 4 432 pts.
…Après avoir été acheteurs de tous les creux
À présent, tentons une expérience de pensée : prenez les 5 derniers paragraphes et remplacez le mot « bear » par « bull », vous obtiendrez alors exactement le genre de commentaires que l’on pouvait lire depuis le mois de juillet 2012… S’il ne s’agit pas là d’un réel retournement de tendance, alors je ne sais pas comment appeler une telle inversion…
Eh oui : que l’actualité du jour fût bonne ou mauvaise, le niveau de sur-achat bas ou trop élevé, c’était toujours les « permabulls » qui triomphaient, toujours épaulés par les planches à billets de nos chères Banques centrales.
Faites l’inventaire des dizaines de milliards de dollars de liquidités déversées quotidiennement dans le système financier par la BCE, la BoJ et la Bank of England… puis par la PBOC ( la Banque centrale chinoise) : depuis quand une contraction de la masse d’argent frais mis à la disposition des marchés n’a-t-elle pas été observée ?
Bien au contraire : même en 2015, elle n’a fait qu’augmenter… Dernièrement, c’est la Chine qui s’est montrée la plus généreuse. La BCE, très largement en avance sur son programme de rachat du mois de septembre, n’est cependant pas en reste : au rythme actuel, la fin du mois, elle aura amassé plus de 75 Mds€ (pour mémoire son objectif n’était « que » de 60 Mds€).
De son côté, jeudi dernier, la FED n’a pas voulu prendre le risque d’entamer une « normalisation », et ce même si les circonstances auxquelles elles étaient confrontés se révélaient être les moins « normales » depuis octobre 2014… De même, n’a-t-elle ne serait-ce qu’évoqué une éventuelle réduction de la taille de son bilan dans un avenir prévisible ?
La réponse est clairement « non » !
Et pourtant les vendeurs continuent de liquider leurs positions à chaque sursaut indiciel, avec le même systématisme, la même obstination qu’ils mettaient à ramasser du papier lors de l’inexorable phase ascendante observée de juillet 2012 à mai 2015.
Aucun argument rationnel concernant les PER redevenus un brin plus abordables ou les cours bradés de certains titres (dont la capitalisation ressort, dans le secteur des parapétrolières par exemple, nettement inférieure à la valeur nette des actifs) n’influent sur la stratégie des opérateurs ou réussit à freiner l’intensité des ventes à découvert.
C’est que la façon de travailler des « sherpas » (ces opérateurs qui cherchent les sommets) est parfaitement identique à la hausse comme à la baisse : aujourd’hui ils se fichent du verre à moitié plein comme ils se contrefichaient, autrefois, du verre à moitié vide… et désormais ils se fichent même des promesses d’accroissement de la liquidité de la BCE…
Leur outil est un rouleau compresseur algorithmique et ceux qui sont aux manettes suivent aveuglément la trajectoire fixée, parfaitement assurés qu’aucun accident de terrain ne saurait leur résister.
Désormais tous les prétextes sont bons pour se désengager…
Si en sus, l’actualité leur fournit un scandale comme celui de Volkswagen, alors c’est comme si on doublait leur puissance de compactage des cours… ça fait alors des bruits de krach assez sinistres, notamment chez les constructeurs automobiles et les équipementiers fournisseurs de Volkswagen.
Les 60% de baisse de Volkswagen en 5 mois (de 254 € à 98€ mercredi matin) sont peut-être un cas extrême… mais certaines valeurs du secteur ont connu des ascensions et atteint des niveaux de valorisation bien plus extrêmes que la firme de Wolfsburg (et sa holding Porsche).
Après une chute de 33 à 38% en quelques mois d’un titre, on peut tout de même se dire qu’une opportunité de rebond technique autour des 10 % reste possible… Cependant il faut vraiment se poser la question alors même que d’autres titres – voire, même certains ETF sectoriels – s’enfoncent parfois de quelque 50%.
Pour expliquer une telle débande sur les marchés il suffit d’évoquer, par exemple, l’inévitable « retour à la moyenne de valorisation historique » puis d’y ajouter une pincée de « les hypothèses de croissance du début d’année 2015, étaient délirantes ».
Ne sourcillez pas : j’ai déjà entendu un tel discours à de nombreuses reprises dans la bouche de gérants interviewés sur des chaines économiques francophones ou anglo-saxonnes. Bien sûr il ne s’agit pas encore d’un discours majoritaire, cependant il était totalement inexistant avant le 24 août dernier.
N’en doutez-pas : certains d’entre eux se sont lancés dans des stratégies de ventes à découvert !
Ils payaient tous les creux jusqu’au printemps, désormais ils vendront tous les rebonds jusqu’à Noël… et les élucubrations des banques centrales ne leur font plus ni chaud ni froid : la partie de poker menteur de Janet Yellen touche à sa fin.
Elle n’est pas « nulle » comme certains osent le prétendre aujourd’hui, elle a juste pris les rênes de la FED au mauvais moment car à présent plus aucune décision pertinente en matière de taux d’intérêt ne semble possible.
Un nouveau 2008 ?
Les vendeurs se fichent en fait de connaître les motifs plus ou moins crédibles qui justifient une hausse ou une baisse des taux aux yeux d’investisseurs cartésiens : ils suivent la tendance, rien que la tendance.
Ils peuvent compter sur la lâcheté générale des opérateurs formatés sur le modèle « on n’attrape pas au vol un couteau qui tombe », « il n’y a pas de fumée sans feu » (et une rumeur nauséabonde comporte toujours un fond de vérité), mieux vaut avoir tort avec tout le monde que raison trop tôt.
Que de souverains poncifs… devant lesquels s’agenouillent pourtant des cerveaux surdiplômés.
Et puis il y a les cyniques : ceux qui vont prendre un malin plaisir à « défoncer » des titres pour gommer une partie des plus-values fiscales accumulées depuis 5 ans.
Ils ont tout intérêt à ce que les cours soient le plus-bas possible autour du 20 décembre prochain, sans aucun égard pour des valorisations absurdes en regard des cash flows, des stocks ou de la valeur de l’outil industriel : c’est déjà le cas en ce qui concerne les valeurs parapétrolières (qu’il faut se garder de vendre à découvert mais que la majorité des gérants s’obstinent à boycotter).
En conclusion : si l’optimisation fiscale s’ajoute à l’opportunité de tirer profit de la volatilité, les « permabulls » risquent de connaître leur pire automne depuis 2008 !