Aversion primaire pour son prédécesseur ? Sincère conviction que cet accord représente un danger pour les Etats-Unis et plus largement la paix dans le monde ? Volonté de renouer avec l’historique allié israélien, que Barack Obama n’avait pas toujours ménagé, au cours des huit années de sa présidence ? Il y a sans doute un peu des trois dans la décision de Donald Trump de sortir de l’accord sur l’Iran.
Synonyme de retour en arrière pour certains commentateurs, souvent jugé inopportun dans le cadre de la lutte contre le wahhabisme, ce retrait au demeurant conforme aux déclarations acrimonieuses du président américain depuis le début de sa campagne suscite également l’ire des Européens, déjà malmenés par l’instauration de droits de douane de 25% sur l’acier, de 10% sur l’aluminium et selon toute vraisemblance de 25% sur les voitures à l’entrée des Etats-Unis.
Les sociétés européennes soumises aux sanctions extraterritoriales américaines
De nombreuses entreprises du Vieux Continent caressent en effet depuis deux ans le rêve de pénétrer ou de se renforcer sur le marché iranien. Celui-ci est à présent mis à mal par l’extraterritorialité des lois américaines, qui sur le papier peut toucher n’importe quelle société étrangère qui ne s’alignerait pas sur les desiderata de Washington. BNP Paribas, qui a eu le malheur d’avoir eu recours au dollar dans des transactions avec le Soudan, pays blacklisté par l’Oncle Sam, et s’est en conséquence vue infliger une amende colossale en 2014, en sait quelque chose…
L’affaire avait fait couler beaucoup d’encre et est visiblement restée bien ancrée dans les mémoires des dirigeants français, allemands et britanniques, lesquels viennent de demander de concert une exemption de toute sanction extraterritoriale américaine pour les sociétés européennes qui opèrent en Iran. Le président du BDI (Bundesverband der Deutschen Industrie, la fédération allemande des industries) a lui aussi tonné, jugeant les sanctions envisagées par Washington « illégales au regard du droit international ».
Il faut dire que quelque 10 000 entreprises allemandes, parmi lesquelles le conglomérat Siemens, ont tissé des liens commerciaux avec l’Iran, qui ne pèse toutefois que 0,2% de l’excédent commercial de nos voisins.
Total et PSA ont jeté l’éponge
D’illustres sociétés françaises qui en l’état actuel des choses devront « décamper » avant début août pour se conformer à l’embargo de Washington ont pour leur part déjà renoncé. Parmi elles, Total, unique major pétrolière à avoir signé un contrat gazier en Iran depuis la levée des sanctions, et PSA, qui a écoulé 444 600 véhicules dans le pays (son premier marché étranger devant la Chine) l’an passé. Quant à Airbus, il a peut-être déjà enterré ses illusions concernant la livraison de 100 avions à des compagnies aériennes iraniennes alors que son concurrent Boeing vient de faire savoir qu’il n’honorera pas les commandes d’Iran Air et d’Aseman Airlines.
J’ai également une pensée pour Accor, Sanofi et les nombreuses PME qui ont signé des contrats en Iran…
Dans ce qui s’apparente à un baroud d’honneur, à une tentative désespérée de faire plier le réputé inflexible locataire de la Maison-Blanche, Paris, Berlin et Londres ont plaidé pour des exemptions des sanctions dans les secteurs aéronautique, automobile, bancaire, énergétique et pharmaceutique. Je crains fort que, cette fois encore, l’Europe ne soit pas entendue.
On a beaucoup disserté quant à la perte de prestige des Etats-Unis sur la scène internationale ces dernières années, mais force est de reconnaître que l’oncle Sam reste le gendarme du monde. Quant à l’UE, qui comme je l’ai écrit avant-hier aura bien du mal à exister dans la guerre commerciale que lui a déclarée Washington, elle n’a sans doute pas fini d’avaler des couleuvres…
Les Etats-Unis ont bien mérité des mesures de rétorsion douanières, mais que leur taxer ?